Annales de démographie historique, 2000 n°1

Les français d’Amérique

Sommaire

François WEIL, Les migrants français aux Amériques (XIXe-XXe siècles), nouvel objet d'histoire 

Annick FOUCRIER, La fin du voyage : les immigrants français à San Francisco et la mort, 1916-1930 

Marjorie BOURDELAIS, Les immigrants français à La Nouvelle-Orléans au XIXe siècle : une longue stabilité des formes d’intégration. 

Olivier BRÉGEARD, Une communauté fragil : les Français de New York au milieu du XIXe siècle 

Rolande BONNAIN, Migration et inscription urbaine des Pyrénéens en Amérique du Sud au XIXe siècle : Montevideo et Caracas 

Michael R. HAINES, French Migration to the United States: 1820 to 1950 

Varia

S. Irudaya RAJAN and K.S. JAMES, Indian Parish Records: a Qualitative Assessment 

S. RYAN JOHANSSON, Before the Health Transition: “Health” and Health Policy in Victorian England and after 

Annick Foucrier

La fin du voyage : les immigrants français à San Francisco et la mort, 1916-1930/span>

Résumé

Tout autant que le mariage ou la naissance, la mort est l’occasion de réaffirmer la cohésion familiale ou sociale. À partir des archives d’une entreprise de Pompes funèbres de San Francisco dont la clientèle est très majoritairement française, l’article analyse les stratégies par lesquelles les immigrants déterminent leur place dans la société ethnique, la période d’observation étant 1916-1930. Les migrants reproduisent les pratiques traditionnelles de leur milieu d’origine, qui leur permettent de se reconnaître semblables, tout en les adaptant aux contraintes locales. La mort en 1920 de Raphael Weill, le doyen, permet, en changeant d’échelle, d’étudier la structuration symbolique de la colonie autour de ses dirigeants. Les déclarations convenues et l’organisation des cérémonies visent à ressouder la colonie par l’affirmation d’une adhésion à une identité franco-californienne exemplifiée par le défunt.

Summary

As with a marriage or a birth, a death occurring in a group can be an opportunity to strengthen the cohesion of the family or of the social group. This article studies the strategies used by French immigrants in San Francisco to ascertain their position in the ethnic group. For this study, I used the archives (1916-1930) of a San Francisco undertaker whose customers were predominantly French. These migrants reunited around the performance of traditional practices they brought from France, but at the same time they adapted them to local constraints. Shifting to another scale, the death of a community leader revealed the symbolic structure of the ethnic group. After Raphael Weill’s death in 1920, formal declarations and the organization of commemorative ceremonies were aimed at gathering all members of the community around a common French-Californian identity similar to the one exemplified by the deceased.

Retour au sommaire

Marjorie Bourdelais

Les immigrants français à La Nouvelle-Orléans au XIXe siècle : une longue stabilité des formes d’intégration.

Résumé

Des sondages effectués parmi les Français présents à La Nouvelle-Orléans lors des recensements de 1850, de 1870 et de 1900 ont permis de cerner les caractéristiques de cette population dans la ville et son évolution au cours d'un demi siècle de très forte croissance urbaine où les francophones ne sont plus majoritaires. Seul l'un des aspects remarquables est exposé ici. Il s'agit de la proximité entre les immigrants français et leurs homologues allemands. Ils partagent une même géographie résidentielle, les

Summary

Information gathered from the french living in New Orleans when the census of 1850, 1870 and 1900 respectively was taken made it possible to define that population’s characteristics and its evolution during the half century of rapid growth, when the french-speakers were no longer a majority. Only one of the noteworthy aspects of this development is presented here, namely, the closeness that existed between the french immigrants and their german counter parts. They shared the same residential sections as well as the same professions. and they had a marked propensity for marrying each other.

Retour au sommaire

Olivier Brégeard

Une communauté fragil : les Français de New York au milieu du XIXe siècle

Résumé

Au milieu du XIXe siècle, le nombre d'immigrants français débarquant à New York s’accroît et beaucoup d’entre eux s’y installent. En 1850, Manhattan compte ainsi près de 5 000 individus nés en France. Parmi les couples qu’ils forment, un sur deux est mixte, franco-allemand, franco-américain ou franco-irlandais. à travers ces unions et leurs descendances, la population française se trouve directement liée à quelque 3 000 personnes de culture étrangère ou mixte. De même, le relatif éparpillement des Français à travers la ville et leur proximité constante avec les autres groupes ethniques ne sont que faiblement compensés par l’existence de poches de concentrations, en particulier au sud de Washington Square. Sur le plan économique enfin, les métiers que l’on peut considérer comme plus spécifiquement français n’occupent qu’une partie de la population concernée. Les Français de New York offrent ainsi l’image d’un groupe partagé entre intégration et réflexe.

Summary

In the mid-nineteenth century there was a significant increase in the number of french immigrants disembarking in New York city and quite a few of them remained there. by 1850, Manahattan counted almost 5,000 inhabitants who had been born in France. Among married couples, one in two was mixed: franco-german, franco-american, franco-irish. Though these unions and their descendants, the french population became directly connected with some 3,000 other residents who were of foreign or mixed background. likewise, the relative dispersal of the french through out the city and their constant proximity with other ethnic groups were only partially compensated by the existence of pockets of their concentration, in particular, south of Washington Square. Occupations that can be considered more specifically french, were pursued by only a part of the population concerned. Thus, the french in New York city present a picture of a group divided between integration and interaction with their own community.

Retour au sommaire

Rolande Bonnain

Migration et inscription urbaine des Pyrénéens en Amérique du Sud au XIXe siècle : Montevideo et Caracas

Résumé

Au XIXe siècle, contrairement aux idées reçues il y a seulement trente ans, les français ont émigré vers des contrées lointaines, en particulier l’Amérique du Sud. L’analyse des états civils consulaires de Montevideo, Buenos Aires et Caracas montre que l’intégration dans le nouveau milieu a été plus rapide en ville qu’à la campagne. En prenant comme échantillon les migrants des Hautes-Pyrénées, on a pu mettre en relief l’importance des événements politiques sur le volume et la composition des flux tant dans le pays de départ que dans celui d’arrivée et en général, la jeunesse et la masculinité des migrants, l’importance des réseaux d’accueil dans lesquels qualification professionnelle, emploi et réseau familial et local s’entretissent sans que la parenté s’efface au profit de la profession lors de l’inscription. L’état civil consulaire du Venezuela nous apprend, pour une autre forme d’émigration, celle des habitants d’Ossun (bourg des Hautes-Pyrénées) que l’inscription urbaine n’est que le premier étage de l’intégration urbaine et qu’elle est réversible. Toutefois, que ce soit en Uruguay, en Argentine ou au Venezuela, plus que la taille de l’agglomération d’origine et le type de migration, c’est le contexte familial dans lequel s’est opéré le départ qui est essentiel dans l’adaptation à la ville.

Summary

Contrary to the generally accepted ideas of thirty years ago, the french have emigrated to distant lands and, in particular, to South America. An analysis of the counsular registries in Montevido, Buenos Aires and Caracas shows that their integration into new environments was more rapid in the towns than in the countryside. The example of migrants from the Hautes-Pyrénées demonstrates the importance of political events in both the areas which they left as well as these in wich they arrived—on the volume and composition of the flow of emigrants. It also reveals that most of the migrants were young male and underlines the importance of welcoming networks in which professional qualifications, employment and family and local connections were interwoven, although the role of relatives always prevailed over that of the profession at the time of registration. The Venezulean counsular registry office shows, for another form of emigration, that for the inhabitants of Ossun (a village in the Hautes-Pyrénées), the urban registration was only the first stage of urban integration and that it was reversible. However, whether in Uruguay, Argentina or Venezuela, it was the family context in which the departure had taken place—more than the size of the town from wich the immigrant had come and the type.

Retour au sommaire

Michael R. Haines

French Migration to the United States: 1820 to 1950

Résumé

Même si la France et les États-Unis ont tissé des liens historiques bien connus, ce dernier pays a accueilli relativement peu de migrants nés en France. Sur 150 ans, entre 1820 et 1970, environ 45 millions de personnes ont migré aux États-Unis, dont seulement 730 000 Français. Les États-Unis étaient fortement concurrencés comme destination d'émigration outremer par l'Afrique du Nord ou l'Amérique latine. C'est aux alentours de 1850 que la migration française vers les États-Unis connut son acmé. Au XXe siècle, environ quatre émigrants français sur dix s'en sont retournés au pays. Les Français vivant aux États-Unis se dirigèrent pour la plupart vers les villes industrielles du Nord-Est et du Midwest, sans oublier la Louisiane – en particulier La Nouvelle-Orléans – du fait de son passé français. Des Franco-Canadiens migrèrent également aux États-Unis : leur zone d'implantation fut encore plus concentrée que celle des Français, puisqu'il s'agit essentiellement de la Nouvelle-Angleterre. La faiblesse de l'émigration française aux États-Unis s'explique d'abord par la mollesse de la croissance démographique en France durant les deux derniers siècles, par l'existence en revanche d'une importante croissance urbaine et industrielle, enfin par le maintien d'une large couche de propriétaires ruraux.

Summary

Although France and the United States had historic ties, relatively few persons born in France migrated to the United States. Over the 150 years from 1820 to 1970, over 45 million persons entered the United States as migrants, but only 730,000 of these were french. many more French overseas mi-grants went to North Africa and to Latin America. The peak migration to the United States came in the middle of the xixth century. By the xxth century, for every ten migrants, approximately four returned to France. Of the French living in the United States, most went to the urban, industrial states of the Northeast and Midwest and also to Louisiana (mostly New Orleans) with its French traditions. Most settled in cities. Similarly few French Canadians came to the U.S., and they were even more geographically concentrated, primarily in New England. The slow population growth in France, its urban and industrial growth in the xixth and xxth centuries, and the existence of a large class of agrarian proprietors likely accounted for the low level of net out-migration.

Retour au sommaire

S. Irudaya Rajan and K.S. James

Indian Parish Records: a Qualitative Assessment

Résumé

Dans cet article, nous tentons d’évaluer la qualité des registres paroissiaux dressés dans les églises catholiques du Kerala (Inde) qui relèvent du rite latin ou du rite syrien, dans l’optique d’étudier le comportement démographique au XXe siècle des populations concernées, grâce à une analyse par numérateur. Les registres paroissiaux des églises catholiques indiennes de rite latin ont quatre siècles d’existence et, par leur bonne tenue, ils s’imposent comme une source particulièrement pertinente pour les historiens démographes. Les registres de sépultures semblent d’excellentes qualités et plus fiables que ceux des baptêmes. Les ratios naissances/décès et naissances/mariages fournissent d’utiles aperçus sur les formes de la transition démographique parmi les catholiques indiens de rites latin ou syrien.

Summary

This paper is an attempt to assess the quality of parish records maintained in the Latin Catholic and Syrian Catholic churches of Kerala (India) along with to study their demographic behaviour in the XXth century using the numerator analysis. It is to be mentioned that Indian Latin Catholic parish registers go back to last 400 years. The quality of Indian parish records seems to be impressive as a source of historical demographic data. The overall quality of burial records seems to be more reliable compared to baptismal registers among the study groups. Birth-death ratio and birth-marriage ratio provide useful insights into the demographic transition of Latin and Syrian Catholics.

Retour au sommaire

S. Ryan Johansson

Before the Health Transition: “Health” and Health Policy in Victorian England and after

Résumé

La notion de transition de santé a été introduite comme une forme d'évolution d’ampleur qui allait de pair avec celle de transition de la mortalité. Mais mesurer les tendances diachroniques affectant la santé reste une tâche profondément épineuse. Comme l'histoire de la santé dépend de la manière dont cette dernière est définie, on ne sera guère surpris de constater que, depuis le XIXe siècle, des définitions concurrentes ont produit des histoires de la « santé » divergentes, chacune ayant à son tour des conséquences différentes sur la politique de santé. Dans cet article, nous explorons les controverses qui se sont développées dans l'Angleterre victorienne à propos de la signification du concept de « santé ». D'un côté, les statisticiens médicaux du gouvernement soutenaient que l'état de santé des individus était une notion stable ; de l'autre, les actuaires employés par les compagnies d'assurances, spécialisés dans les questions de mortalité, considéraient qu'il s'agissait là d'un élément hautement variable au cours de la vie d'un individu. Cette opposition amena des points de vue radicalement inverses quant au fait de savoir ce qui était le plus signifiant dans la mortalité : les variations de l'environnement local ou les différences entre classes sociales. hier, comme aujourd’hui, la majeure partie des controverses entre ces experts professionnels sur la signification du concept de « santé » furent dictées par des préoccupations touchant tout autant à la prospérité de leurs professions particulières qu'à un souci désincarné pour le bonheur de l’humanité .

Summary

The health transition has been introduced as a form of sustained change over time which accompanied the mortality transition. But measuring health trends remains deeply problematic. Since health history depends on how “health” is defined, we should not be surprised that from the nineteenth century to the present competing definitions have produced divergent histories of “health”, each of which had different implications for health policy. In this paper controversies over the meaning of “health” are explored as they developed in Victorian England. There the government's medical statisticians assumed that the individual's health status was a constant, while mortality actuaries, who were employed by insurance companies, assumed that it was highly variable over the course of the individual's lifetime. This led to radically different perspectives on to what extent mortality could be explained by environmental differences between places versus income differences between social classes. In both the past and present most of the disputes between professionals over the meaning of “health” were driven by concerns about their own professional welfare, not simply an abstract interest in human welfare.

Retour au sommaire